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Suivis des oiseaux, papillons & Co : on est en retard !

Sciences participatives

14 000 lecteurs pour « Où sont passés les oiseaux des jardins ? » ! Paru en 2014, l’article fait toujours fureur sur le blog. Pourquoi ? Parce que d’une observation individuelle, chacun cherche à savoir si oui ou non, les oiseaux ont disparu….

Pourquoi ? Comment ?

Suivre les oiseaux (ou les papillons, les libellules, etc.) permet de comprendre si au cours du temps leurs effectifs diminuent ou augmentent. Sont-ils moins nombreux en raison de la météo ? En raison d’une variation des ressources en nourriture ? En raison de maladies ? Les causes à court terme peuvent être nombreuses, comme elles peuvent l’être à long terme.

© Nick Kenrick | Flickr

Des changements qui ne datent pas d’hier

Les variations de ressources de nourriture pour les oiseaux, par exemple, sont peut-être liées à des changements de pratiques agricoles qui ne datent d’hier mais qui se comptent en dizaines d’années, voir des siècles…

Le temps compte

C’est justement ce qu’a voulu montrer Jean-Baptiste Mihoub, chercheur dans notre laboratoire Cesco, avec d’autres chercheurs européens : dans quelle mesure le suivi actuel de la biodiversité peut-il refléter les changements induits par les activités humaines à l’œuvre... depuis très longtemps ! (Ici l’article scientifique).

« On est en retard »

« Nous avons montré que, lorsque les programmes de suivi de la biodiversité ont véritablement commencé à se mettre en place en Europe, les grands changements découlant de nos activités humaines avait déjà atteint plus de la moitié de leur magnitude » m'a expliqué Jean-Baptiste.

Face à ce schéma qui montre la quantité de furane, un produit chimique cancérigène (lire là et), mesuré dans les sédiments depuis le 19e siècle, on remarque que son pic d'utilisation avait déjà atteint 100 % lorsque les premiers suivis de la faune et de la flore ont débuté (en rose sur le graphique).

© Mihoub et al. 

Augmentation du CO2 et biodiversité

De plus, les changements dans la concentration en dioxyde de carbone avait déjà atteint 63 % de leur magnitude actuelle lorsque l’on a commencé à suivre les oiseaux ! et plus de 80% lorsque l’on s’est enfin intéressé aux mollusques !

© Andy | Flickr

Changement ne veut pas toujours dire déclin

« Une conséquence du retard entre les suivis de biodiversité et les facteurs de changement est que ce que l'on documente aujourd’hui reflète les évolutions d’une biodiversité déjà très affectée par les activités humaines» poursuit Jean-Baptiste.

Lac Chauvet © Gaël M. | Flickr

« Mais il faut aussi avoir à l’esprit que les changements de milieux ne sont pas forcément synonyme de déclin ou d’extinction. Si un milieu agricole se transforme en forêt par abandon de pratiques agropastorales, entrainant le remplacement d’espèces spécialistes de milieu agricole par des espèces forestières, ce n'est pas forcément catastrophique. Il pourrait même potentiellement s’agir d’un retour vers un état de la biodiversité très ancien, bien qu’actuellement inconnu : le milieu change avec son cortège d’espèces, traduisant que la biodiversité reste avant tout issue de processus dynamiques ».

Vos suivis sont publiés !

Pour réaliser cette recherche, Jean-Baptiste et ses collègues se sont notamment plongés dans une grande base de données européennes (projet EuMon) dans laquelle on retrouve une grande partie des programmes de sciences participatives européens. S’ils se sont surtout développés dans les années 1990, j’ai pu lire que les premiers inventaires des mammifères datent de 1538 et des plantes de 1634. L'étude des populations d'espèces a débuté en 1800 et les comptages en 1933.

Chevreuil © Adrien | Flickr

On est en retard mais on peut se rattraper ! 

« Il est tout à la fois important de comprendre les changements actuels et ceux qui se sont passés avant » a insisté Jean-Baptiste. « Il nous reste à estimer quels ont pu être les impacts des activités humaines sur la faune et la flore dans le passé. Comment les populations d’oiseaux ont réagi à l’augmentation de polluants tels que le furane au cours du 20e siècle, par exemple ? On ne sait pas. Pour le moment. Cependant, les recherches qui reconstruisent des histoires et des états passés de biodiversité se développent, comme la zooarchéologie depuis 2009 ou encore l’écologie historique. Elles vont sans aucun doute constituer une étape importante et nous éclairer sur les décisions de conservation à prendre pour l’avenir ».

La question « où sont passés les oiseaux ? » n’a pas fini de tenir le haut de l’affiche !

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Lisa Garnier, le lundi 13 mars 2017

Contact : lisa.garnier@mnhn.fr

!! Les plus !!

Lors de la rédaction de ce post, j’ai recherché des ressources sur ce qu’est l’écologie historique. On trouvera ici un article en français et là un article de l’initiatrice de la discipline, Carole Crumley.

Special THANKS !

Merci à Steve Maskell pour sa photographie d'ouverture.

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